Les Springboks, le nuage de la nation arc-en-ciel ?



LE CAP (correspondance spéciale). Samedi, sur Long street, la rue où la jeunesse du Cap se retrouve. Dans les bars, les yeux de la nation arc-en-ciel sont rivés sur la télé grand écran. Demi-finale de la Coupe du monde de rugby. Dernière minute de jeu. L'ailier Habana marque le quatrième essai contre les Pumas. Et qualifie les Springboks pour leur deuxième finale depuis la fin de l'apartheid. La rumeur gronde dans la rue. Les souvenirs de 95 émergent : douze ans plus tôt, l'Afrique du Sud remportait la finale et Nelson Mandela portait fièrement le maillot du capitaine François Pienaar, l'emblème d'une réconciliation post-apartheid. Et si le symbole se répétait samedi ?

« Malheureusement, on est encore loin du compte, estime Butana Komphela, président de la commission des Sports au parlement. Le rugby reste le dernier bastion où l'apartheid possède encore des racines. » C'est lui, le parlementaire qui suggérait en début d'année de confisquer les passeports des Springboks. Dans quel but ? Empêcher les joueurs de s'envoler vers la France si au moins six joueurs de couleur n'étaient pas sélectionnés. Objectif : « accélérer la transformation raciale. Je ne souhaitais pas punir les joueurs mais les sélectionneurs, ceux qui ferment les portes à la communauté noire. »

Car le rugby sud-africain conserve cette image écornée de sport réservé à l'élite blanche des Afrikaners. Pourtant, la Saru, la fédération sud-africaine de rugby, se défend de « conspirations anti-noirs », comme l'affirmait Oregan Hoskins, président de la Saru, lors d'une rencontre avec les membres du parlement en juin dernier. Même s'il ne s'avouait « pas satisfait de la vitesse à laquelle le rugby évolue. »

Plus de temps de jeu pour les joueurs noirs

Les valeurs universelles du sport, Francès Makoni, entraîneur à l'université du Cap, les écarte d'un geste de la main. « Sur 24 jeunes qui ont reçu une bourse pour intégrer l'équipe cette année, quatre sont noirs. Quatre. » Le chiffre résonne dans les oreilles de l'entraîneur noir d'origine zimbabwéenne comme un affront. Il a été recruté pour promouvoir la transformation. Mais ne s'occupe que de la troisième équipe. « Je n'ai pas mon mot à dire quant aux sélections de joueurs. Et on me parle de transformation ! »

En mai dernier, une proposition de loi permettant au gouvernement de promouvoir l'équité raciale en sport était en cours. Mais Francês n'est pas en faveur d'une intervention du gouvernement. « Parce que ça ne suffit pas d'avoir des noirs dans les équipes. C'est du temps de jeu dont les joueurs ont besoin. Les sélectionner sur des critères de couleur risque de les frustrer. »

Après l'échéance de samedi, la transformation suivra son cours. Que l'Afrique du Sud gagne ou non. La fédération a promis de mettre les bouchées doubles. Francès, lui, le sait déjà : « Il faudra attendre au moins deux autres Coupes du monde pour que le rugby sud-africain donne ses chances à tous. »

Mélinda FANTOU.

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